Paul et Victoire…

Paul et Victoire…

En quelques coups de maître
le peintre que vous êtes
a  dressé le tableau,
je vous imagine
au pied de la Montagne
mille fois convoitée.

Les yeux plissés un peu
les lèvres entrouvertes
le souffle rocailleux,
je vous imagine
frissonnant de désir
sur la batiste offerte.

Hier des tons de bleu
émeraude aujourd’hui
des fauves pour demain,
je vous imagine
fardant vos passions
de pourpres et carmins.

Le fascinant éclat,
l’ombre capricieuse
la capture subtile
de Victoire la Belle,
je vous imagine
tendu d’émotion.

Le fol entêtement
à saisir le mystère
atteindre le sublime,
sur l’abrupte venelle,
le cœur tintinnabule
jusqu’à l’irraisonnable.

Avec l’aheurtement
de l’amoureux transi
vous esquissez sans fin
sur sa gorge rebelle
l’impossible caresse,
sur ses flancs indomptés
la folie d’un baiser.

Monsieur Cézanne,
comme un coup de semonce
les nuages convulsent,
je vous imagine
désarmé mais heureux,
vaincu mais subjugué,
offrant à votre Sainte
sur la palette en larmes,
un soupir délivré.


"Le 15 octobre 1906, alors qu'il peint sur le motif, dans le massif de la Sainte-Victoire, un violent orage s'abat. Cézanne a un malaise et reste de longues heures sous la pluie. Il est ramené dans la charrette d'un blanchisseur chez lui,
23, rue Boulegon, à Aix.
Il y meurt le 22 octobre 1906, emporté par une pneumonie."