Décervelé

Je m'extirpai de moi pour voir si j'y étais
Ce que je vis n'était pas ce que j'escomptais
Celui qu'avec fierté je baptisais mon moi
Aseptisé, atrophié, restait sans émoi
Pâle et tremblant, frileux, masqué, rasant les murs
Ne chantant plus. Sa voix sortait comme un murmure.
J'entrepris de le secouer, le réveiller
Et pour le faire rire de le chatouiller
Je le pris par la main pour l'amener danser
Je le voyais fougueux ardemment m'enlacer
C'est un fantôme que je serrai dans mes bras
Froid et glacé, déshumanisé sous son drap.
Je demandai : mon moi, quelle est cette stupeur
Regarde, je suis là, de quoi donc as tu peur ?
Dans un souffle il me dit je suis le confiné
Rire fêter chanter, tout ça c'est terminé
Autrefois vivre ça se passait dans les tripes
Mais ça c'était avant, la vie avant la grippe.
Allons mon moi lui dis-je pour l'encourager
Trouvons quelques amis, nous pourrons partager
Qu'au moins dans le regard brille l'ardente flamme
Qui pousse tout galant à courtiser la femme.
Son œil était éteint, plus rien n'étincelait
Le virulent Covid l'avait décervelé.
Devrais-je le quitter, je ne serais plus rien
Ou le réanimer, dilemme shakespearien ?
J'étais sorti de moi et je ne savais plus
Par quel miracle revenir et par quel flux
Redonner chaleur au sang coulant dans ses veines
Glissant sur lui, mes exhortations restaient vaines.
Alors, la mort dans l'âme je me résignai
Et je réintégrai ce corps qui s'éteignait
Je trouverais c'est sûr, j'en formulai l'espoir
Un radieux matin après ce sombre soir.

21/01/2021

Dans le cas présent, comme souvent, un bout de phrase qui me vient à l'esprit et qui s'impose, et je me mets au clavier.
J'avais commencé en alternant un alexandrin  et un fragment de comptine en complet décalage, mais ça s'est vite grippé. Je n'ai gardé que les alexandrins.
Il m'arrive souvent, après posé quelques mots, de ne pas savoir dans quelle direction aller, et de laisser les mots piloter. Ici, je voulais très clairement dire ce néant sidéral auquel le confinement nous convie.
Merci du commentaire