Aux urgences
Aux urgences
Aux urgences, on a tout son temps, et pourtant le pas pressé, on attend qu’on vous dise : ainsi soit-il, rien d’anormal, ça veut dire attendre encore que le Hasard révèle sa face de reître, de virulent petit traître ou de cœur gros à pleurer
Ou bien voici qu’il assume, cet énergumène, en blouse immaculée incarné, et alors vous croyez rêver : en vérité, vous dit-il, je vous le dis : c’est fini ou presque, parlons bas, mais – tu trembles carcasse, ton tour est venu de pleurer
Asseyez-vous donc, Monsieur, c’est bientôt à vous, patientez, rien n’est pressé, ce n’est qu’un ruban d’existence –quat’sous– auquel vous pendez, pansez-en votre cœur de vieux bébé car je vous vois prêt à pleurer
Oui, restez encore, on a de quoi, habituez-vous, vous y viendrez, seul cette fois, ou avec Dieu, cette carpe qui, déjà, ne vous répondait jamais quand, enfant, vous pleuriez
Mais je vois que vous n’êtes pas là encore pour vous, pas las encore, pensez-vous, cela viendra, Madame, nous sommes si nombreux, essuyez-là votre âme
Or de grabat en palace, où fuit l’âme, m’en conterez-vous les escales, de ventre en tombeau, de craie en stylo, de paraphe en épitaphe, mais je vous en prie posons les armes
Aux urgences, on a tout le temps, il s’affiche au scope dans la chambre silencieuse, on croirait voir l’éternité veiller, mais c’est bougie dans un bocal, diode sur ton sein mouillé, souffle arythmique sur un chandelier branché
De salle d’attente en bout de couloir : il paraît enfin, nuage au hublot, qui stagne et voile le soleil, on se dit tout à coup, mon temps est là, je l’avais oublié là-haut, tandis que la rivière en contrebas, où va-t-elle, inexorable à couler, est-ce encore elle à l’instant où je regarde
Monsieur, dit une infirmière, urgence, il y a urgence, et le tempo change, d’andante en adagio, il y a quelque chose suspendue au trapèze, une esse à quoi s'accroche, en attente, une âme qui bat difficultueusement
Le hublot a disparu du mur, la salle est obscure et le film va finir, le fil va rompre, mais on veille, serait-ce la dernière fois, fausse alerte, Monsieur, le Hasard a dit non, errez encore dans le couloir, svp
Où je vais-je viens, m’éreinte, je m'ignorais si riche de temps, tiens, veux-tu que je Te le donne, - je ne te parle pas, là-haut, qu’on dit m’accompagner, je parle à Toi ci-bas que j’accompagne en vérité, et celle-là ne fut révélée par personne
Aux urgences, sur mon chemin d’errance, je patiente, chacun son tour, toute croix au tiroir, ce sera un jour, mais Elle, docteur : tiens, le soleil est revenu en un roulement de dé, il n’y a plus d’alarme, plus de larme au hublot et le block tiré du noir, tu t’es réveillée, divin espoir
Veux-tu me donner le bras, je n’aurais jamais cru, tu sais, dans ma Thébaïde, on ne parle plus, moi et moi, que de Toi : tu es la seule urgence
Et le temps attendra
Ou bien voici qu’il assume, cet énergumène, en blouse immaculée incarné, et alors vous croyez rêver : en vérité, vous dit-il, je vous le dis : c’est fini ou presque, parlons bas, mais – tu trembles carcasse, ton tour est venu de pleurer
Asseyez-vous donc, Monsieur, c’est bientôt à vous, patientez, rien n’est pressé, ce n’est qu’un ruban d’existence –quat’sous– auquel vous pendez, pansez-en votre cœur de vieux bébé car je vous vois prêt à pleurer
Oui, restez encore, on a de quoi, habituez-vous, vous y viendrez, seul cette fois, ou avec Dieu, cette carpe qui, déjà, ne vous répondait jamais quand, enfant, vous pleuriez
Mais je vois que vous n’êtes pas là encore pour vous, pas las encore, pensez-vous, cela viendra, Madame, nous sommes si nombreux, essuyez-là votre âme
Or de grabat en palace, où fuit l’âme, m’en conterez-vous les escales, de ventre en tombeau, de craie en stylo, de paraphe en épitaphe, mais je vous en prie posons les armes
Aux urgences, on a tout le temps, il s’affiche au scope dans la chambre silencieuse, on croirait voir l’éternité veiller, mais c’est bougie dans un bocal, diode sur ton sein mouillé, souffle arythmique sur un chandelier branché
De salle d’attente en bout de couloir : il paraît enfin, nuage au hublot, qui stagne et voile le soleil, on se dit tout à coup, mon temps est là, je l’avais oublié là-haut, tandis que la rivière en contrebas, où va-t-elle, inexorable à couler, est-ce encore elle à l’instant où je regarde
Monsieur, dit une infirmière, urgence, il y a urgence, et le tempo change, d’andante en adagio, il y a quelque chose suspendue au trapèze, une esse à quoi s'accroche, en attente, une âme qui bat difficultueusement
Le hublot a disparu du mur, la salle est obscure et le film va finir, le fil va rompre, mais on veille, serait-ce la dernière fois, fausse alerte, Monsieur, le Hasard a dit non, errez encore dans le couloir, svp
Où je vais-je viens, m’éreinte, je m'ignorais si riche de temps, tiens, veux-tu que je Te le donne, - je ne te parle pas, là-haut, qu’on dit m’accompagner, je parle à Toi ci-bas que j’accompagne en vérité, et celle-là ne fut révélée par personne
Aux urgences, sur mon chemin d’errance, je patiente, chacun son tour, toute croix au tiroir, ce sera un jour, mais Elle, docteur : tiens, le soleil est revenu en un roulement de dé, il n’y a plus d’alarme, plus de larme au hublot et le block tiré du noir, tu t’es réveillée, divin espoir
Veux-tu me donner le bras, je n’aurais jamais cru, tu sais, dans ma Thébaïde, on ne parle plus, moi et moi, que de Toi : tu es la seule urgence
Et le temps attendra
Pritos- Messages : 3398
Date d'inscription : 15/09/2009
Localisation : L'ioline jolive lez gaste terre...
Re: Aux urgences
"Aux urgences, on a tout son temps..."
Remise à l'heure violente de nos pendules insouciantes,
joute cruelle entre la vie et la mort,
dévouement hors normes de blouses blanches...
Quoiqu'il arrive, on n'en sort pas indemne.
Tu as tout dit, magnifiquement.
Remise à l'heure violente de nos pendules insouciantes,
joute cruelle entre la vie et la mort,
dévouement hors normes de blouses blanches...
Quoiqu'il arrive, on n'en sort pas indemne.
Tu as tout dit, magnifiquement.

Re: Aux urgences
Tu as produit une oeuvre fraternelle et universelle ! tu as louvoyé dans les interstices dans les plis avides de mystères, que représente la médecine et l'homme...Bravo ! pour cette analyse....
lacape- Messages : 7510
Date d'inscription : 15/05/2010
Localisation : quelque part en france
Re: Aux urgences
Nous sommes peu de chose presque rien en fait.
Dans tous les cas, un sujet délicat où ta poétique frappe au cœur. Oscillons donc ...
Dans tous les cas, un sujet délicat où ta poétique frappe au cœur. Oscillons donc ...
surfeur- Messages : 1094
Date d'inscription : 04/01/2011
Localisation : ITC In The Cage
Re: Aux urgences
Tout à coup le monde est entre parenthèse, réduit à une peau de chagrin, restreint à une seule question angoissante, oppressante et omniprésente, posée de mille façons différentes. On s'accommodera de tout dans ce lieu où souvent la survie se joue d'urgence.
Bravo Pritos pour ton évocation .
PierreJ.
Bravo Pritos pour ton évocation .
PierreJ.
Des mots s’enfuient chaque jour de mon cerveau. Le phénomène est fort heureusement, qu’il m’en arrive dans le même temps tout autant. Pierre James
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